Forêt comestible urbaine

Solution complète
Hsinchu Food Forest birdview
Wutong Foundation

Plus de la moitié de la population mondiale vit en ville, ce qui génère de nombreux problèmes environnementaux et sociaux : pollution, perte de la biodiversité, faible sécurité alimentaire, etc. Notre solution consiste à planter des forêts comestibles en ville. La forêt comestible imite l'écosystème naturel d'une véritable forêt, tout en ayant l'objectif de produire de la nourriture. Nous nous sommes inspirés du modèle de Seattle Beacon Food Forest pour introduire la première forêt comestible publique de Taiwan dans la ville de Hsinchu, en coopération avec la municipalité et les gens du quartier concerné. Des "Work Party" et des ateliers pédagogiques sont régulièrement organisés pour encourager la participation citoyenne. Cette solution apporte une nourriture saine accessible à tous, une opportunité d'apprentissage holistique, et elle permet aussi de cultiver les vertus du partage. Vivre dans un écosystème urbain qui prend à la fois soin de l’homme et de la terre, c’est possible !

Dernière modification 21 Jun 2021
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Contexte
Challenges addressed
Dégradation des terres et des forêts
Perte de biodiversité
Érosion
Perte de l'écosystème
Gestion inefficace des ressources financières
Développement d’infrastructure
Manque de sensibilisation du public et des décideurs
Mauvaise gouvernance et participation

Dérivé de la permaculture, le concept de forêt comestible est basé sur trois principes éthiques : prendre soin de la terre, prendre soin de l’homme, et partager les récoltes équitablement. Chacun d’eux remédie respectivement aux défis environnementaux, sociaux et économiques de notre ère. Notre solution répond aux enjeux générés par l’urbanisation, à savoir : 1/environnementaux : perte des habitats et des espèces endémiques, phénomènes climatiques extrêmes ; 2/sociaux : isolement, perte du sentiment d’appartenance, fossé des générations, vulnérabilité alimentaire, inégalités sociales, déclin de la santé physique et mentale des personnes ; 3/économiques : forte dépendance aux importations, diminution des terres cultivables disponibles, surconsommation, génération de déchets due au modèle d’économie linéaire et de propriété privée.

 

Scale of implementation
Local
Multinational
Mondial
Ecosystems
Green spaces (parks, gardens, urban forests)
Thème
Accès et partage des avantages
L'intégration de la biodiversité
Services écosystèmiques
Cadre juridique et politique
Villes et infrastructures
Santé et bien-être humain
Acteurs locaux
Urban planning
Emplacement
Hsinchu City, Taiwan Province Taiwan
Asie de l'Est
Traiter
Summary of the process

Les blocs constitutifs « Processus participatif », « Opportunités pédagogiques » et « Autonomie » contribuent tout trois à un système de production alimentaire durable, tout en allégeant les problèmes liés à l’urbanisation tels que l’ilot de chaleur urbain, l’insécurité alimentaire, les inégalités sociales, etc. Le bloc « Autonomie » favorise la biodiversité et une utilisation minimale de ressources et d’énergie. Le bloc « Processus participatif » garantit que la forêt comestible réponde aux besoins du plus grand nombre, tout en s’assurant également le soutien de toutes les parties prenantes. Un processus qui soit participatif dès le début permet d’une part d’obtenir des suggestions utiles et objectives de la part de toutes les parties prenantes, et d’autre part des participants impliqués potentiellement sur du long-terme. Les gens seront davantage enclins à s’impliquer dans ce projet s’ils ont aussi participé au processus de décision. Les deux premiers blocs constitutifs permettent de prendre un bon départ, tandis que le troisième bloc « Opportunités pédagogiques » permet de garantir une participation régulière, et donc « durable ».

Building Blocks
Un processus participatif

La forêt comestible de Hsinchu résulte d’un processus participatif impliquant plusieurs parties prenantes de la ville : la mairie, les gens du quartier, des organismes communautaires, des écoles, et même ceux qui étaient susceptibles de ne pas aimer le projet au départ. Pour avoir le soutien et la participation du public, il faut que chaque étape de la mise en place du projet s’inscrive dans une démarche participative. Nous avons consacré 30 heures à familiariser les gens du quartier avec ce concept, et nous avons même invité les co-fondateurs de la forêt comestible de Seattle à partager leur expérience avec la mairie et le public, ce qui a fortement joué sur le feu vert donné au projet. Nous avons aussi organisé une compétition pour collecter les idées du public quand au design du site, puis demandé à un paysagiste de combiner les meilleurs designs. Nous entretenons des rapports étroits avec les autorités, la population (et les médias) afin que l’ensemble des personnes impliquées soient tenues au courant de l’avancement du projet, et pour réagir rapidement lorsque quelqu’un soulève un problème qui n’a pas encore été abordé, comme le risque de chute dans la mare la nuit, problème auquel nous avons répondu en ajoutant des bordures végétales et des lumières à l’endroit concerné.

Enabling factors
  1. Un groupe porteur du projet motivé, responsable, capable de négocier avec toutes les parties prenantes.
  2. Une attitude ouverte et positive pour surmonter les obstacles et les divergences d’opinion.
  3. Une compréhension totale du projet et des obstacles potentiels par toutes les parties prenantes.
  4. Le soutien de toutes les parties prenantes et membres de la communauté locale. C’est primordial si le projet se trouve sur une zone publique.
  5. Un design participatif : les gens du quartier doivent être consulté et impliqué dans le design.
Lesson learned

Pour assurer la durabilité du projet, il est très important de compter sur le soutien du propriétaire du site, surtout s’il s’agit de la municipalité. Cela permet de surmonter beaucoup d’obstacles et d’apporter de la légitimité au projet. Pendant le processus, il faudra sûrement surmonter des divergences d’opinion ou des problèmes de comportements, parfois raisonnables et parfois non. Par exemple, certaines suggestions des plus âgés s’opposaient aux principes de « prendre soin de la terre » ou de « partage équitable ». Ils voulaient par exemple utiliser des pesticides contre les insectes, ou empêcher certaines personnes de participer aux activités. Tout en conservant une attitude positive pour essayer de maintenir pacifiquement tout le monde sur un pied d’égalité, nous avons eu du mal à faire appliquer ces principes, car nous ne faisons partie ni de la communauté locale, ni des autorités. Ces dernières ont donc leur rôle à jouer dans la gestion des conflits. Toutefois, cela peut ne pas être le cas si le projet se déroule dans un contexte différent.

Opportunités pédagogiques

L’implication de la communauté locale est primordiale pour que le projet soit soutenu, subventionné et bénéficie d’une bonne participation. Pour s’assurer d’une participation régulière, il est très important que le projet délivre des opportunités d’apprentissage et de développement personnel. Dans notre solution, elles prennent la forme d’ateliers pédagogiques ou de « Work Party », où les gens sont invités à apprendre auprès des volontaires les plus assidus, participer au développement de la forêt comestible, planifier des évènements, prendre le leadership, etc.

Les work party mensuelles sont l’occasion d’acquérir des compétences pratiques, à travers des travaux pratiques et des échanges sur les problèmes rencontrés individuellement. Parmi les activités proposées, on retrouve : faire un compost, un hôtel pour les abeilles solitaires, transformer les déchets en ressources, faire son propre dentifrice, et plus encore.

Les opportunités pédagogiques permettent aussi de bénéficier de la participation des écoles et des universités. Beaucoup d’écoles nous sollicitent pour des visites. Les enseignants, comme les élèves, peuvent venir y découvrir les tendances du monde réel et bénéficier d’un mode d’apprentissage holistique sollicitant équitablement l’usage de la tête, des mains et du cœur.

Enabling factors
  1. Organiser des évènements amusants et pédagogiques incluant des activités pratiques et de réflexion.
  2. Patience et respect des différences individuelles : il n’existe pas une unique façon de faire dans une forêt comestible, chaque a le droit d’apprendre et de travailler différemment. Le respect et la patience garantissent le succès et la bonne marche d’un atelier pédagogique.
  3. Une sensibilisation active peut aider à faire passer le mot et à attirer plus de participants et d’enseignants potentiels.
Lesson learned

Il est primordial de former de plus gros groupes de personnes engagés sur le projet, afin d’éviter que celui-ci ne soit abandonné en cas de baisse de participation. Nos premiers participants sont les personnes âgées vivant près du site. Et si celles-ci sont très dévouées à son entretien, elles ne sont pas toujours en mesure d’organiser des opérations de sensibilisation ou des activités pédagogiques. Nous avons donc décidé d’inviter les écoles environnantes à organiser des plantations d’arbres, en vue d’attirer de nouveaux volontaires toutes générations confondues. Les enseignants étaient satisfaits de cette opportunité pédagogique, tandis que les enfants et leurs parents se rendaient régulièrement sur le site pour prendre soin de leur arbre.

Les évènements à portée pédagogique doivent être attractifs et transposables dans la vie quotidienne des participants. Il est aussi important de former un groupe d’apprentis agréable et motivant que de trouver un sujet attractif.

 

 

Autonomie

La forêt comestible urbaine représente la capacité de résilience de la ville par rapport aux changements climatiques et aux problèmes de sécurité alimentaire. Elle doit donc elle-même être résiliente, peu vulnérable (aux maladies, aux problèmes environnementaux ou de gouvernance), et le plus possible autonome (en énergie, en nutriments, en eau).

Notre système nécessite peu de ressources extérieures en eau et en nutriments. L’eau de pluie est récupérée via un collecteur, puis réutilisée pour remplir la mare, nettoyer les outils et arroser les plantes. Les branches et les feuilles mortes, les épluchures et les mauvaises herbes sont compostées dans plusieurs bacs, puis transformées en compost de très bonne qualité apportant aux plantes tous les nutriments dont elles ont besoin.

La forêt comestible est constituée de « guildes », chacune composée de plusieurs étages de végétation qui collaborent et s’aident mutuellement à pousser plus vite et plus fort. On y retrouve des plantes mellifères permettant d’attirer les pollinisateurs, des plantes fixatrices d’azote, des plantes qui recouvrent le sol empêchant ainsi l’apparition des mauvaises herbes. Par conséquent, la forêt comestible est un système résilient aux aléas climatiques et dont l’entretien nécessite peu d’énergie humaine.

Enabling factors

1.Une autonomie en eau grâce au système de collecte d’eau de pluie

2.Une autonomie en nutriments et un cycle de gestion des déchets grâce aux bacs à compost

3.Collaboration et entraide entre les plantes grâce au compagnonnage et aux guildes de permaculture.

Lesson learned

Au début, comme les volontaires n’étaient familiarisés ni avec la façon de faire un compost, ni avec le concept des bonnes associations de plantes, nous avons organisé des « Work Party » pour leur apprendre les techniques et les principes d’une agriculture naturelle. À présent, ils sont capables d’entretenir le compost, choisissent les bonnes combinaisons de plantes, et peuvent à leur tour transmettre ces bonnes pratiques aux visiteurs et aux médias.

Une forêt comestible a besoin de temps avant de devenir totalement autonome. Nous nous reposons encore partiellement sur le réseau d’eau courante de la ville, surtout en cas d’absence de précipitations. Et les volontaires ne sont pas encore équipés des connaissances nécessaires à la résolution de certains problèmes techniques. Une fois, une panne de la pompe a entraîné une fuite d’eau. Aucun des volontaires n’était en mesure de gérer ce problème et nous avons dû faire appel à un expert. Cela nous a permis d’apprendre à réagir rapidement en cas de besoin, en écrivant sur place comment réagir et qui contacter en cas de tel ou tel problème.

Impacts

La forêt comestible urbaine est un modèle attractif permettant d’ouvrir les consciences et d’inspirer des actions. Une fois le projet en place, nous avons observé des changements dans le paysage urbain et dans les comportements. De multiples couches de végétation recouvrent maintenant le site, attirant les oiseaux, les insectes pollinisateurs, améliorant la qualité du sol ou encore l’infiltration de l’eau. À présent, les volontaires du voisinage participent activement à l’entretien du site, et de nombreux parents y accompagnent leurs enfants découvrir la biodiversité.

Notre solution est le fruit d’un effort commun entre citoyens, ONG, secteur privé et municipalité. La ville économise une partie de son budget dédiée à l’entretien des espaces verts, les citoyens ont accès à un espace pour jardiner et se rencontrer, et cela profite à la Terre ! Les partenariats avec des entreprises privées permettent de transformer les profits capitalistes en bénéfices partagés entre les gens et l’environnement.

Des « Work Party » et des ateliers pédagogiques sont régulièrement organisés pour inciter le plus grand nombre à participer. Les plus âgés partagent leurs connaissances, les plus jeunes apportent leur créativité tout en bénéficiant d’un programme d’enseignement alternatif. Les professeurs et les décideurs viennent trouver de l’inspiration pour reproduire cette solution ailleurs.

Beneficiaries

La forêt comestible urbaine concerne toutes les parties prenantes de la ville : la communauté locale, les ONG, les organismes municipaux, les écoles, les universités, la municipalité, ainsi que le sol lui-même.

Sustainable Development Goals
ODD 2 - Faim "zéro"
ODD 3 - Bonne santé et bien-être
ODD 4 - Éducation de qualité
ODD 10 - Inégalités réduites
ODD 11 - Villes et communautés durables
ODD 12 - Consommation et production responsables
ODD 13 - Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques
ODD 15 - Vie terrestre
ODD 16 - Paix, justice et institutions efficaces
ODD 17 - Partenariats pour la réalisation des objectifs
Story
Wutong Foundation
A group photo of Wutong Foundation and co-founders of Beacon Food Forest in 2015
Wutong Foundation

En tant qu’ONG (la fondation Wutong), notre objectif est d’ouvrir les consciences en encourageant les gens à participer à des actions respectueuses de l’environnement. Nous avons remarqué que les problèmes de la planète paraissent parfois intangibles et ennuyeux aux yeux de certains, et qu’il est donc essentiel de trouver des solutions amusantes et concrètes pour encourager le plus grand nombre à agir.

Il y a 3 ans, nous avons visité Beacon Food Forest à Seattle (USA). Il s’agit d’un jardin forêt comestible en milieu urbain, un espace public dans lequel les gens du voisinage se rassemblent pour réduire ensemble les effets du changement climatique, améliorer la souveraineté alimentaire, s’instruire, et célébrer le fait de planter aux bénéfices de toutes les espèces.

Il s’agit de la première forêt comestible publique entretenue par une centaine de volontaires, avec un financement minimal de la ville. À l’origine, ce projet était un exercice de design en permaculture mené par deux citoyens, devenus ensuite les co-fondateurs du projet. J’ai eu la chance de participer à une des Work Party organisées en Mars 2017, et de découvrir le fort lien social généré par la forêt comestible.

Nous avons rapidement compris quels bénéfices pouvait apporter un tel modèle à Taiwan. La forêt comestible publique a le potentiel de motiver les citoyens et le gouvernement à passer à l’action. En effet, ce système est presque autosuffisant, nécessite peu de moyens humains, présente un grand potentiel pédagogique et ouvre l'accès à une alimentation saine.

C’est ainsi qu’à débuté la collaboration entre Seattle et la fondation Wutong. En 2015, nous avons obtenu une bourse pour inviter les membres fondateurs de Beacon Food Forest à partager leur savoir-faire à Taiwan. La ville de Hsinchu a immédiatement accepté de lancer la première forêt comestible de démonstration sur un espace public.

Notre rôle à la fondation Wutong était de mettre en place la forêt comestible à Hsinchu. Celle-ci a été inaugurée en 2016, après environ 30 heures d’activités de sensibilisation et plusieurs réunions participatives avec les gens du quartier. À ce jour, ces derniers continuent d’entretenir le site, et de notre côté nous organisons des « Work Party » afin de faciliter l’apprentissage de nouvelles techniques.

Ce modèle est reproductible dans des parcs, des terrains vagues, des jardins ou même sur des toits. Nous espérons voir des forêts comestibles fleurir dans les villes du monde entier !

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