Renforcer la capacité des populations locales à la production de plants pour la restauration de sites dégradés

Solution complète
Guide du pépiniériste pour apprendre à produire des plants pour la restauration écologique
Noé

En Nouvelle-Calédonie, les incendies, l'exploitation minière et l'exploitation du bois ont réduit la surface des forêts de 60 %, entraînant des problèmes d'approvisionnement en eau, d'érosion des sols et de sédimentation du lagon – véritable garde-manger des populations locales. Les autorités publiques se mobilisent pour financer des projets de revégétalisation des zones les plus dégradées, et imposer aux compagnies minières de restaurer leurs exploitations. Les populations les plus touchées par les dégradations sont aussi les plus désireuses et les plus capables d'agir sur leur environnement, mais elles n’ont pas accès aux formations leur permettant d’acquérir les compétences techniques nécessaires. Avec le projet BEST, Noé a souhaité développer des filières économiques "vertes" en formant les communautés locales à la restauration écologique et en leur proposant un outil simple d'utilisation pour apprendre à récolter et produire chez eux des plantes d'espèces pionnières, destinés aux projets de restauration écologique.

Dernière modification 08 May 2023
1319 Vues
Contexte
Challenges addressed
Dégradation des terres et des forêts
Perte de biodiversité
Érosion
Perte de l'écosystème
Manque d'autres possibilités de revenu
Manque de capacités techniques
Chômage / pauvreté

Les défis économiques et sociaux relevés dans ce projet sont les suivants :

  • L’absence d’une base de données sur la production des espèces de maquis endémiques ;
  • L’absence de formations techniques locales pour les personnes désirant monter des pépinières ;
  • Le manque de reconnaissance des savoirs locaux sur la production d’espèces endémiques ;
  • L’absence d’outils pour produire des espèces locales vulgarisées et simples d’utilisation ;
  • La difficulté d’approvisionnement en semences des pépinières professionnelles ;
  • Le manque de (re)connaissance des filières économiques dans la restauration écologique, y compris dans les instituts de formations professionnelles,
  • L’absence d’information sur le marché des pépinières locales (prix, acheteurs, filières d’approvisionnement)
  • L’absence de lien entre les producteurs de plants et les acheteurs ;
  • Le manque de filières économiques pouvant être développées directement en tribu, par les femmes ou les jeunes notamment, et adaptées au rythme des évènements culturels.
Scale of implementation
Local
Ecosystems
Forêt de feuillus tropicaux
Thème
L'intégration de la biodiversité
Fragmentation et la dégradtion de l'habitat
Restauration
L'intégration du genre
Moyens d'existence durables
Acteurs locaux
Connaissances traditionnelles
Emplacement
Nouvelle-Calédonie
Océanie
Traiter
Summary of the process

Les blocs constitutifs sont chronologiques. Chaque bloc a besoin du précédent pour exister. Leur objectif commun est d’accompagner une filière de récolte et de production de plants à destination de la restauration écologique. Cette dernière aurait été pensée et développée avec l’ensemble des parties prenantes et notamment grâce à l’engagement des communautés locales.

Les dialogues du bloc 1 ont permis de définir les besoins et les problématiques de cette filière, et d’en proposer une solution. Le bloc 2 est la construction d’un outil pour accompagner cette filière, qui soit conceptualisé avec l’ensemble des partenaires et surtout avec les bénéficiaires en tribu. Le 3ème bloc est une phase de diffusion de l’outil pour la mise en place de la filière en tribu.

Building Blocks
Les modalités de structuration d'une filière de plants à destination de la restauration écologique sont établies

Les acteurs clés sur le marché de la pépinière ont d’abord été identifiés et classés dans quatre catégories : les producteurs, les acheteurs, les porteurs de projet, et les partenaires techniques. Ces acteurs, de par leur expérience, représentent la base de l’étude pour déterminer les défis et limites du projet.

Grâce à des entretiens, nous avons pu identifier des problématiques telles que :

  • la difficulté d’approvisionnement en semences au moment de la fructification,
  • l’absence de reconnaissance de la filière en tribu et dans l’enseignement professionnel,
  • la difficulté de développer une activité économique en tribu, adaptée au rythme en communauté,
  • les compétences techniques élevées que nécessite la production de plants en pépinière,
  • l’absence d’outils vulgarisés et adaptés au contexte local pour comprendre le métier de pépiniériste,
  • le manque d’encadrement de la filière (formations, mise en relation des acheteurs et des revendeurs, etc.)

Les solutions alors proposées et discutées étaient le développement d’une filière de récolte de graines, moins technique et plus adaptée au rythme local, la publication du guide du pépiniériste vulgarisé et la mise en place de formations professionnelles dans les organismes de formation et directement en tribu.

Enabling factors

La Nouvelle-Calédonie étant un petit territoire, l’identification fut relativement aisée et rapide. Les acteurs ont tous répondu favorablement aux sollicitations et ont répondu à l’ensemble des questions posées aux entretiens. L’idée d’un projet qui serait bénéfique pour tous (producteurs, acheteurs, porteurs de projet et partenaires) a permis de rassembler tous les acteurs autour du projet.

Lesson learned

La liste des acteurs ne peut pas être exhaustive. Pour faire au mieux, il faut se concentrer sur un nombre restreint mais représentatif d’acteurs dans chaque catégorie. Ce nombre dépend de la taille du territoire.

Pour avoir des entrevues rapides et efficaces, il faut passer du temps en amont sur la préparation des questions et des méthodes de sollicitation. Il faut également être flexible et permettre la mention de nouveaux sujets. Également, au fil des entretiens, il est pertinent de refaire référence aux problématiques rencontrées par d’autres acteurs et proposer des solutions afin d’avoir des avis nouveaux.

Un classeur de fiches techniques adaptées aux populations locales est créé et diffusé

Parmi les solutions identifiées, le guide de fiches techniques était un outil prioritaire, pour rassembler l’ensemble des connaissances dans un ouvrage vulgarisé et simple d’utilisation, qui pourrait être accessible à tous. Il a donc fallu récolter l’ensemble des données sur les espèces, des images de chaque stade phénologique et des données sur la production. Il a également fallu choisir un cortège d’espèces adapté.

Ce guide a notamment été développé en collaboration avec les bénéficiaires en tribu. À l’aide d’ateliers, les participants ont apporté leur point de vue d’utilisateur sur une première version du produit. Ces ateliers ont permis de discuter du format (classeur modulable), du design (police et couleurs), du papier, mais aussi du contenu (noms vernaculaires, choix des espèces, besoins spécifiques).

La version finale a ensuite été diffusée aux experts techniques pour être révisée et validée avant d’être envoyée à l’impression.

Enabling factors

Une grande partie des informations était disponible auprès de l’institut de recherche en agronomie et des pépinières professionnelles qui ont accepté de partager leurs connaissances.

L’implication des bénéficiaires à titre bénévole a été d’une importance capitale, afin d’intégrer leurs connaissances empiriques du terrain dans le guide.

La disponibilité d’experts locaux capables de revoir, corriger et valider l’ensemble des informations fut également primordiale.

Lesson learned

Le travail de collecte et de restitution est très important et peut prendre beaucoup de temps. Ce temps ne doit pas être négligé dans le montage d’un projet.

De plus, les connaissances locales et empiriques sont souvent négligées et pourtant elles apportent beaucoup.

Enfin, les ateliers ont permis de déterminer que:

  • le guide doit être en format classeur, modulable, avec du papier résistant et imperméable pour être utilisé en extérieur sur le terrain;
  • les espèces doivent être accessibles à proximité des habitations, et à croissance rapide afin de pouvoir observer des résultats satisfaisants sur une courte durée;
  • les besoins spécifiques doivent être pris en compte tels que : des fiches de récolte, des fiches de production, des fiches de vente. Il faut favoriser le format de cases à cocher si possible.

Enfin, il peut parfois être difficile de mettre d’accord l’ensemble des acteurs sur les méthodes de production des plants. Il faut proposer des solutions de flexibilité comme la modification à la main des fiches si besoin.

Les communautés locales ont acquis les savoir-faire requis pour récolter des graines et produire des plants pour la restauration écologique des sites dégradés

Le guide a été imprimé et diffusé en version pdf en ligne et en version physique, les deux gratuitement, durant des restitutions publiques et des réunions avec les partenaires identifiés lors des interviews (bloc 1).

Il a également servi d’outil de base pour réaliser des formations aux métiers de récolteurs de graines et de producteurs de plants pour la restauration écologique, auprès des personnes ayant montré une volonté d’action. Des formations ont donc été proposées dans les pépinières communautaires existantes mais ayant des difficultés, et dans les instituts de formation professionnelles tels que les lycées agricoles ou les centres de formations pour adultes.

Organisées sur une ou deux journées, ces formations ont permis de faire découvrir les débouchés existants dans la restauration écologique (récolteurs, producteurs, planteurs, responsables du suivi écologique), ainsi que d’apporter les connaissances théoriques et techniques à travers des ateliers de mise en situation. Les participants ont ainsi appris à reconnaître les espèces végétales autour de chez eux, à observer la fructification, à prélever et stocker correctement, à faire des fiches de suivi, à mettre en production (semi, repiquage, culture), et à mettre en œuvre une plantation.

Enabling factors

L’engagement des communautés locales dans le projet depuis le début a permis la réussite des formations. De plus, le bouche à oreille à permis de toucher des personnes sur tout le territoire.

De plus, des questionnaires de satisfactions ont été diffusés à chaque fin de formation, ce qui a permis de faire de l’amélioration continue.

Lesson learned

Les ateliers techniques dans le milieu dans lequel les participants évoluent et désirent travailler sont primordiaux dans ce type de formation. Il faut donc se déplacer pour faire les formations chez eux et en situation. Il est nécessaire également de donner de l’importance aux connaissances empiriques des personnes formées, pour qu’elles soient valorisées et partagées à l’ensemble des participants aux formations. Grâce à la co-conception du classeur avec des personnes en tribu, une meilleure prise en main de l’outil de la part des participants a été observée.

Les personnes les plus enthousiastes ont été les femmes, qui voient dans les pépinières une activité qui leur plaît et une façon de s’émanciper économiquement, et les jeunes qui n’ont pas beaucoup de perspectives d’avenir et qui ne veulent pas partir travailler en ville.

Néanmoins, il manque au classeur une partie “économique” pouvant donner une idée de l’investissement et du retour sur investissement, ainsi qu’une structuration gouvernementale de la filière.

Impacts

Pour atteindre l'objectif du projet, Noé a mobilisé de nombreux acteurs :

  • 14 experts ont participé à la définition des enjeux du projet,
  • 10 personnes en tribu ont participé à l'élaboration du guide,
  • 4 experts ont révisé et validé le guide,
  • 71 personnes ont acquis l’outil, dont 35 structures professionnelles souhaitant améliorer leurs pratiques,
  • 100 personnes ont pu être formées aux métiers de la restauration écologique,
  • 50% des bénéficiaires sont des femmes,
  • 40% des bénéficiaires ont moins de 25 ans,
  • Les 3 parties du classeur (1. Guide de la collecte à la mise en culture ; 2. fiches techniques sur 35 espèces endémiques ; 3. documents modèles de suivi) ont été appréciées,
  • Des discussions sont en cours pour structurer la filière à l’échelle du territoire ;
Beneficiaries
  • Les personnes vivant en tribu désirant augmenter leur activité professionnelle (yc femmes et jeunes),
  • Les petites pépinières désirant renforcer leurs compétences,
  • Les porteurs de projets de restauration qui souhaitent racheter les plants en tribu.
Sustainable Development Goals
ODD 5 - Égalité entre les sexes
ODD 8 - Travail décent er croissance économique
ODD 10 - Inégalités réduites
Story
Noé
Radji, transportant les plants qu'il a cultivé sur le site de restauration
Noé

« J’ai envie de me battre pour cet endroit magnifique » - Roxane, tribu de Petit Borendi.

Cet endroit magnifique, la forêt de la tribu de Petit Borendi en Nouvelle-Calédonie, a malheureusement été dégradé par l’homme et peine à se régénérer. Les actions humaines sont aujourd’hui nécessaires là-bas comme sur tout le territoire pour restaurer les forêts et leurs écosystèmes, et lutter contre les impacts des dégradations.

Les communautés locales sont les plus touchées par ces impacts, puisqu'elles vivent en lien étroit avec la nature qui est leur air, leur eau, leur pharmacie et leur garde-manger. Ce sont elles qui souhaitent et peuvent agir rapidement. La pépinière a été une des solutions trouvées pour « se battre » pour cet environnement.

« Avec la pépinière, on a l’impression de mettre notre pierre à l’édifice » - Radji, pépiniériste à la tribu de Port Bouquet.

Noé accompagne des pépinières associatives depuis 2017, afin de produire des plants et restaurer les milieux dégradés à proximité des tribus. Nous avons pu observer que les pépiniéristes, après plusieurs années d’investissement, auraient voulu en faire leur activité professionnelle. Malheureusement, l’activité nécessitant des connaissances théoriques et des compétences techniques élevées, les pépiniéristes bénévoles avaient besoin d’un outil de formation leur permettant de reforncer leur compétence et d’être compétitifs sur le marché. C’est ainsi que le projet de classeur de fiches techniques a vu le jour.

Après avoir mobilisé l’ensemble des acteurs autour du projet afin de définir les défis que le guide et les formations devaient relever, Noé a donc développé le “guide du pépiniériste” : un outil complet, technique, et simple d’utilisation en tribu, pensé avec les bénéficiaires. Cet outil a été mis en pratique lors de formations dans les tribus et dans les organismes de formation professionnelle. Il a été accueilli avec enthousiasme, notamment par les femmes, amoureuses du jardinage, et par les jeunes à la recherche d’une activité qui fait sens.

Radji est une des personnes qui donne du sens à ce travail. Selon lui, la sensibilité à l’environnement n’est pas innée. Elle vient en apprenant à ouvrir les yeux et à lire son environnement.

« Ma vision des plantes a complètement évolué. Je regarde tout le temps les arbres en essayant de les reconnaître. C’est comme ça qu’on apprend à les aimer. »

Connexion avec les contributeurs
Other contributors
Laurent L'huillier
Institut Agronomique Calédonien (IAC)
Danielle Saintpierre
Siras Pacifique
Jean-Louis Ruiz
Jean-Louis Ruiz (indépendant)