Gestion Durable du Bois-énergie au Cameroun : des stratégies régionales comme outils pour limiter les effets du changement climatique et soutenir le développement économique
La demande nationale en bois énergie se chiffre 6 560 000 tonnes par an dont 356 000 tonnes de charbon de bois. Cette demande de charbon de bois représente 2,5 millions de m3 et 12500 ha de forêt naturelle détruite par an.
Cette forte pression exercée sur le couvert forestier est à l’origine de la déforestation et la dégradation des écosystèmes forestiers, ce qui exacerbe par ricochet la vulnérabilité des populations aux effets des changements climatiques.
Des stratégies de développement des chaines de valeurs bois énergie sont mises en œuvre dans les Régions de l’Est et de l’Extrême-Nord. Les actions proposées reposent sur une approche holistique prenant en compte tous les maillons. Elles adressent les questions d’atténuation à travers la valorisation énergétique des rebuts, et les économies d’énergie et d’adaptation par le biais des reboisements.
La solution aborde partiellement les mesures AbE, qui ont été intégrées dans une stratégie plus large liée à la gestion durable du bois-énergie.
Contexte
Challenges addressed
Le prélèvement du bois pour les besoins de cuissons entraine une dégradation et une déforestation des espaces forestiers. Cette perte du couvert forestier, couplée à la réduction des services écosystémiques offert par les forêts augmentent la vulnérabilité des populations aux effets des changements climatiques.
La réduction de la pression sur les écosystèmes forestiers naturels aux fins de satisfaire les besoins en énergie de cuisson des ménages constitue le principal défi à relever sur le plan écologique.
Sur le plan social, l’accès des ménages à la ressource bois énergie à un coût raisonnable demeure la principale préoccupation à régler. La modernisation des chaines valeurs bois énergie amorcée depuis quelques années, aborde cette question suivant une approche holistique avec pour but ultime de satisfaire les besoins en énergie de cuisson des ménages tout en réduisant la pression sur les ressources forestières et en favorisant la création d' emplois et des richesses.
Emplacement
Traiter
Summary of the process
La carbonisation des rebuts de scieries (B1) constitue une option pertinente pour réduire la pression sur le couvert forestier (B3). L’amélioration de l’efficacité énergétique des ménages à l’aide de l’utilisation des foyers améliorés (B2) permet de réduire la pression sur les ressources forestières et diminue les dépenses liées à l’achat du charbon de bois ou du bois de chauffe par les ménages (B1). Les reboisements individuels réalisés (B3) permettent de renouveler la ressource bois nécessaire pour la satisfaction des besoins en énergie de cuisson (B1) et garantir la durabilité des écosystèmes forestiers. La facilitation d’un cadre réglementaire propice au développement des chaines de valeurs bois-énergie (B5) est un processus transversal qui favorise la mise en œuvre efficace des actions contenues dans les stratégies de développement élaborées (B4).
Building Blocks
Carbonisation des rebuts de scieries dans la Région de l’Est
La Région de l’Est Cameroun représente la principale région forestière du Pays. Elle dispose de 24 Unités de Transformation de Bois qui génèrent environ 500 000 m3 de rebuts de bois par an.
L’activité de carbonisation des rebuts de scieries s’est progressivement mise en place compte-tenu de l’énorme gaspillage observée dans la transformation du bois (rendement matière de 35%).
L’appui a consisté à travailler dans l’organisation et la structuration des groupements de producteurs. Une fois ces groupements de producteurs reconnus légalement, un effort a été apporté à la signature des conventions de rebuts de scieries avec les détenteurs de la matière première en vue de sécuriser l’approvisionnement des charbonniers en rebuts de bois.
La professionnalisation des charbonniers au niveau du maillon production a porté sur l’élaboration et la mise en œuvre des Notices d’impacts environnementales de l’activité de carbonisation et la formation aux techniques améliorées de carbonisation. Aussi,elle a consisté à la facilitation de l’obtention des documents sécurisés de transport nécessaires pour l’acheminement du charbon vers les marchés.
Un cadre institutionnel de suivi de la chaine de valeur a été mis en place au niveau régional et assure l’amélioration des conditions cadres de la chaine de valeur.
Enabling factors
- La forte implication des administrations sectorielles avec la mise en place d'une plateforme régionale d’orientation et de suivi du développement de la chaine de valeur par décision ministérielle ;
- La volonté du secteur privé (détenteurs d’Unités de Transformation du Bois) à soutenir l’activité de carbonisation à travers la mise à disposition de rebuts de bois aux charbonniers ;
- La disponibilité d’un énorme potentiel de rebuts de bois ;
- La forte participation des communautés riveraines grâce aux revenus générés par l’activité.
Lesson learned
- La carbonisation des rebuts de scieries permet aux UTB de réduire l’incinération des rebuts de bois à l’air libre et génère des ressources financières aux communautés riveraines impliquées dans l’activité ;
- la question de gouvernance dans le développement de cette chaine de valeur nécessite une très grande attention notamment en ce qui concerne la parafiscalité qui réduit considérablement les marges bénéficiaires ;
- la carbonisation des rebuts de scieries est un modèle d’économie circulaire qui génère des effets positifs en terme de déforestation évitée ;
- L’appropriation des Techniques Améliorés de Carbonisation est assez bonne, surtout lorsque la technique concernée ne nécessite pas d’apport d’investissement supplémentaire.
Diffusion des foyers améliorés dans la Région de l’Extrême-Nord
La promotion et l’utilisation des Foyer amélioré (FA) est l’une des stratégies d’atténuation utilisées par la GIZ/ECO Consult pour réduire la pression sur la ressource forestière ligneuse de l’Extrême Nord, car leur utilisation permet de réduire les consommations en bois des ménages ainsi que les dépenses y afférente. La diffusion et l’utilisation de Foyer amélioré trois pierres (FA3P) et Foyer amélioré bil-bil dans la région de l’Extrême-Nord depuis 2015 permet de réduire fortement et rapidement la consommation de bois-énergie.
La diffusion des FA3P vise essentiellement les zones rurales et péri-urbaines où le bois est la seule source de combustion (plus de 95% de la population y sont tributaire) et les matériaux de construction sont disponibles localement et gratuits pourtant le FA Bil-bil vise les zones rurales et urbaines du fait de la présence des Petites et Moyennes Entreprises utilisatrices de bois.
Enabling factors
- Stratégie de diffusion avec un dispositif organisationnel constitué de 2 Coordonnatrices encadrant 20 formatrices-relais ;
- Coût de construction faible des FA3P ;
- Implication d’organisations partenaires (Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF), Ministère de l’Environnement de la Protection de la Nature et du Développement Durable (MINEPDED) et Lutheran World Federation-LWF).
Lesson learned
- Sur le plan technique, il convient de rappeler qu’en général, avant les formations proprement dites, la sensibilisation doit être minutieusement dispensée pour convaincre du bien-fondé de la fabrication et de l’utilisation des FA3P.
- Sur le plan organisationnel, l’élaboration et la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie de diffusion des FA prévoyant avec le déploiement sur le terrain d’un staff comprenant 2 Coordonnatrices encadrant 20 Formatrices-Relais depuis novembre 2018 a permis d’accroître considérablement le nombre de FA3P construit dans les ménages.
- Absence d’un mécanisme de financement pour les FA bil-bil des PME constitue un frein pour la diffusion de ce type de foyer ;
- Le FA3P fabriqué à base d’argile et de bouse peut durer jusqu'à 1 an. Il est facilement réparable ou facile à reconstruire par les usagers eux-mêmes, sous réserve qu’ils aient été formés lors de la construction du premier ;
- Un protocole de vérification des FA3P construits a été mis en place afin d’évaluer et contrôler la qualité des foyers construits.
Reboisements individuels comme stratégie d’adaptation aux changements climatiques basé sur les écosystèmes
Le déficit observé entre l’offre et la demande en bois-énergie dans les régions septentrionales est à l’origine d’une dégradation sans cesse croissante des ressources naturelles, et une réduction du couvert végétale, couplé d’une baisse de productivité agricole.
Les reboisements individuels sont réalisés à petite échelle sur des superficies variant de 0,25 à 5 ha. Deux principaux types de reboisement ont été mise en place à savoir : i) les reboisements agroforestiers qui se pratiquent sur les terres cultiver dans l’optique d’améliorer la productivité des terres agricoles malgré le changement climatique ; ii) les reboisements forestiers qui se pratiquent sur les terres dégradées impropre à la pratique de l’agriculture avec pour but la restauration du couvert forestier dégradé et l’amélioration de la fourniture en biens et services écosystémiques.
La création et la gestion d’une plantation privée obéit aux principales étapes classiques dans la conduite d’un reboisement en zone de savane sèche conformément aux indications du manuel sur l’itinéraire technique des reboisements en zone de savane sèche au Cameroun, produit par la GIZ.
Un encadrement a été apporté aux bénéficiaires à travers les formations et la mise à disposition des fiches techniques pour la mise en place et le suivi des parcelles de reboisement individuels.
Enabling factors
- Statut foncier clair des espaces à reboiser ;
- Implication active des bénéficiaires ;
- Respect du calendrier sylvicole ;
- Respect de l’itinéraire technique des reboisements en zone de savane sèche au Cameroun ;
- Mise en œuvre efficace du mécanisme de suivi post-plantation.
Lesson learned
- Le bon aboutissement du reboisement dépend d’une part, du respect du calendrier sylvicole pour réalisation de chacune de ces activités, et d’autre part, du respect des directives prescrites dans le manuel sur les itinéraires de reboisement en zone de savane sèche du Cameroun ;
- La mise en place d’un système de surveillance des sites reboisés permet de garantir l’obtention de bons résultats ;
- la divagation des bêtes est l’une des causes d’échec du reboisement dans certaines zones. Toutefois, la mise en place des mesures de sécurisation des espaces reboisés a permis de limiter l’impact de la divagation des bêtes sur les reboisements réalisés.
Stratégies Régionales bois-énergie et Contribution Déterminée au Niveau national (CDN)
La CDN du Cameroun précise les contributions en matière d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques.
Elle prévoit de réduire la consommation non durable de bois de chauffage par exemple par la gestion durable du bois-énergie ; les foyers améliorés, et la promotion de la méthanisation et/ou de la butanisation dans l'espace rural.
Les stratégies régionales élaborées constituent en soi des mesures d’atténuation appropriées au niveau local pour les chaines de valeurs bois-énergie.
En termes d’adaptation, les actions de reboisement menées dans le cadre de cette solution s’inscrivent en droite ligne avec le Programme d’adaptation N° 19 de la CDN lié au secteur forestier.
L’utilisation des foyers améliorés par les ménages grâce aux économies de bois réalisées et la carbonisation des rebuts de scieries, constituent des activités d’atténuation des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) concrètes. De même, la restauration des fonctions écosystémiques des espaces dégradés par le biais des reboisements individuels constitue une plus-value en matière d’adaptation. Toutefois, bien que ces initiatives s’inscrivent en droite ligne avec les objectifs de la CDN, un mécanisme de comptabilisation de ses contributions au niveau national n’est pas encore opérationnel.
Enabling factors
- Implication pleine et entière des administrations sectorielles permet d’avoir un bon ancrage institutionnel desdites stratégies ;
- L’existence d’un mécanisme de suivi-évaluation interne au projet permet de mesurer les progrès réalisés et de rendre compte des résultats en termes d’émissions évitées de CO2 et de déforestation évitée ;
- La disponibilité des ressources financière pérenne pour la poursuite des activités ;
- L’appropriation des outils et méthodes de comptabilisation des émissions évitées de GES par les différents acteurs impliqués.
Lesson learned
- La mise en place d’un système MRV (Monitoring, Reporting, Verification) efficace au niveau national est nécessaire pour assurer le suivi et capitaliser au niveau national les résultats issus de la mise en œuvre des stratégies régionales bois-énergie ;
- L’exploration des possibilités offertes par le financement climatique aux initiatives de réduction d’émissions de GES peux constituer un gage de durabilité du financement desdites stratégies ;
- Les bénéfices de l’adaptation générés par le reboisement sont difficiles à apprécier exactement sur un court terme.
Amélioration des conditions cadres pour le développement des chaines de valeurs
Des cadres de concertations pluri acteurs ont été mis en place afin d’assurer l’orientation et le suivi du développement des chaines de valeurs bois-énergie dans les Régions cibles.
Au niveau de la Région de l’Est, une plateforme régionale a été instituée par le Ministre en charge des forêts et de la faune et placée sous la présidence du Gouverneur de la Région.
A l’extrême-Nord, il s’agit d’une cellule régionale bois-énergie (CRBE).
Ces cadres de concertation se tiennent à une fréquence semestrielle et servent de tribune pour faire le point sur l’avancé des chaines de valeurs concernées mais aussi de formuler des orientations pour leur bonne marche.
L’orientation stratégique des chaines de valeur bois-énergie, matérialisée dans les documents de stratégie élaborés est le résultat d’un processus de consultation des différents acteurs réunis au seins des ces instances de concertation.
Les résolutions issues de ces assises ont permis d’obtenir certaines avancées à savoir : i) la définition d’un cadre réglementaire relatif à la production et la mise en circulation du bois-énergie ; ii) l’élaboration et la validation de normes directives en matière d’aménagement des forêts de zones sèches.
Enabling factors
- Sensibilisation des décideurs politiques sur l’importance de la filière bois-énergie ;
- Bonne participation des différents acteurs des Chaines de Valeurs concernées aux réunions convoquées ;
- Bon suivi des recommandations de la plateforme par le secrétariat technique mis en place.
Lesson learned
- Le financement des réunions du CRBE de l’Extrême Nord et de la Plateforme Régionale Bois énergie de l’Est doit être inclus dans les budgets des services locaux en charge des forêts afin d’assurer la durabilité de ces instances de discussion ;
- L’implication de toutes les catégories d’acteurs des différents maillons des chaines de valeurs bois-énergie a permis de proposer des textes réglementaires adapté à la réalité et propice au développement desdites chaines de valeurs ;
- Le suivi de l’évolution des chaines de valeurs bois énergie effectué dans le cadre du CRBE ou de la plateforme de l’Est, permet d’améliorer la gouvernance dans la gestion des chaines de valeur concernées.
Impacts
Sur le plan socio-économique
- La production de 15000 tonnes de charbon à partir des rebuts de scieries dans la Région de l’Est de 2018 à 2020 a généré un chiffre d’affaires de 776,5 millions de FCFA soit 1 183 766 Euro.
- Environ 400 emplois direct crée par l’activité de carbonisation des rebuts de scieries
- La diffusion de 33 962 Foyers Améliorés trois Pierres (FA3P) auprès de ménages a permis à ces derniers de réaliser des économies de 2 068 616 198 FCFA, soit 3 153 585 Euros lié à l’achat de bois pour la satisfaction des besoins en énergie de cuisson.
Sur le plan environnemental
- la carbonisation des déchets de scierie sur ces trois années a permis d’éviter l’émission de : 228 765,4 Tonnes équivalent (Teq) CO2, soit 901 ha de forêt naturelle préservée.
- La diffusion des FA3P a permis d’éviter l’émission de 50 474,2 Teq CO2. L’économie de bois généré par l’utilisation des FA3P a permis de préserver 4 805,1 ha de forêt sèche.
- De 2016 à 2020, 50,97 ha de reboisement privé ont été réalisés par les population aux fins de restaurer et/ou d’améliorer les fonctions écosystémiques des espaces dégradés.
- 10 741,67 ha de réserves forestières transférées aux Communes de l’Extrême-Nord en cours d’aménagement.
Beneficiaries
- 237 734 personnes bénéficiant des FA3P ;
- Communes de la Région de l’Extrême-Nord ;
- 434 Producteurs de charbon ;
- 60 propriétaires privés bénéficiant de l’appui au reboisement de leur espace ;
- 1200 aides charbonniers;
Sustainable Development Goals
Story
ERIC NGONO : le charbonnier motivateur.
Autrefois dans la localité d’Abong-Doum, située dans la Région de l’Est Cameroun, les rebuts de bois généré par l’Unité de Transformation de Bois (UTB) de la localité étaient incinérés à l’air libre. Lors d’un séjour dans la localité de Libongo à l’Est du Cameroun, Éric a pour la première fois pu se familiariser à l’activité de carbonisation qui se pratiquait autour de l’UTB de la Société d’Exploitation Forestière et Agricole du Cameroun (SEFAC) par un groupe de charbonnier appuyé par la GIZ.
Dès son retour au village Abong-Doum, il s’est rapproché de la société Société de Transformation de Bois et de Commerce (STBC) afin de bénéficier des rebuts de bois pour la carbonisation et limité ainsi le gaspillage qui était autrefois observé.
Ainsi, Éric s’est mis à la tête d’un groupe de charbonnier qui a démarré l’activité de carbonisation sans formation préalable.
L’opportunité de l’installation d’une seconde UTB dans le village Abong-Doum par la société DINO &FILS a été saisi par le groupe de charbonnier conduit par ERIC qui s’est rapproché de la GIZ pour bénéficier d’un appui à la structuration et la professionnalisation de leur groupe de charbonnier.
Ce groupe de charbonniers est ainsi passé d’une vingtaine de membres à environ 150 membres, avec une production moyenne mensuelle de 4000 sacs de charbon soit 170 tonnes. Grace à l’impulsion d’Eric, plus de 100 familles à Abong-Doum dépendent de l’activité de carbonisation pour satisfaire leurs besoins économiques.
Le Goupe d’Initiative Commune (GIC) dirigé par Eric dispose de tous les agréments officiels pour exercer l’activité de carbonisation. Il est également enregistré comme exportateur de charbon auprès de l’administration.