Le parc marin de la Côte Bleue (France, Méditerranée Nord-Ouest) : une réussite en matière de co-construction avec la pêche artisanale depuis 38 ans

Solution complète
Localisation du territoire du parc marin de la Côte Bleue (9 873 ha), comprenant 2 réserves intégrales (Carry et Couronne) et des récifs artificiels de protection et de production.
PMCB

Le Parc Marin de la Côte Bleue (PMCB, France) a été créé en 1983. Cette initiative ascendante est basée sur une coopération expérimentale entre les autorités publiques locales et la pêche professionnelle à petite échelle, afin de mettre en œuvre un programme de développement durable de l'activité de pêche, de protection de l'environnement marin, de recherche scientifique expérimentale et de sensibilisation et d'éducation du public. Le territoire représente 9.873 ha sur 42 km de côte rocheuse dont 2 réserves intégrales de 295 ha, où tout type de pêche, de mouillage et de plongée sous-marine sont interdits. L'originalité est l'utilisation de réserves intégrales et de récifs artificiels (à la fois à des fins de production et de protection contre le chalutage illégal) comme outils complémentaires pour la conservation des ressources exploitées et des habitats sensibles.

Dernière modification 06 Feb 2023
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Contexte
Défis à relever
Perte de biodiversité
Perte de l'écosystème
Récolte non durable, y compris la surpêche

Dans un contexte global de diminution des stocks de poissons et de perte de biodiversité et d'habitats marins, le parc marin de la Côte Bleue met en œuvre depuis 1983 l'utilisation de réserves d'interdiction de pêche et de récifs artificiels comme outils complémentaires pour la protection, la restauration et la conservation des ressources exploitées et des habitats sensibles les plus productifs (herbiers de posidonies et récifs coralligènes). Les défis à relever sont l'acceptation de la réserve d'interdiction de prise et la restauration, toutes deux réalisées avec succès.

Échelle de mise en œuvre
Local
Écosystèmes
Récif rocailleux / rive rocailleux
Herbiers marins
Thème
Fragmentation et la dégradtion de l'habitat
Gestion des espèces
Restauration
Gouvernance des Aires protégées et conservées
Moyens d'existence durables
Acteurs locaux
Connaissances traditionnelles
Gestion des espaces côtiers et marins
Gestion et Planification des Aires protégées et conservées
Science et recherche
Pêche et aquaculture
Emplacement
13620, Carry-le-Rouet, Bouches-du-Rhône, France
Europe de l’Ouest et du Sud
Traiter
Résumé du processus

Les trois éléments présentés interagissent les uns avec les autres. Les résultats d'une gestion réussie sont la combinaison des 3 piliers : (i) une AMP (aire marine protégée) acceptée avec une co-construction et une gouvernance partagée ; (ii) une AMP efficace avec une surveillance et une mise en application, un suivi à long terme et une meilleure connaissance des effets de la réserve, des bénéfices à la fois pour les poissons et les pêcheurs ; (iii) une gestion adaptative de l'AMP est nécessaire et le PMCB a été construit sur les forces et les faiblesses du contexte local : les récifs artificiels ont joué un rôle dans la résolution des antagonismes et des conflits entre la pêche artisanale et la pêche illégale au chalut.

Dans le parc marin de la Côte Bleue, les deux catégories de récifs artificiels (récifs de production et récifs de protection) sont indissociables des deux réserves interdites. Ces outils de gestion ont fonctionné de manière complémentaire et ont contribué à la préservation de la pêche artisanale traditionnelle sur le territoire de la Côte Bleue, alors que ces activités de pêche diminuent dans les zones voisines.

Blocs de construction
Une aire marine protégée acceptée avec une gouvernance partagée

Le PMCB est une initiative locale fondée sur une approche ascendante et une gouvernance partagée. Cette co-construction est basée sur un processus de dialogue fort depuis le début avec les organisations locales de pêcheurs artisanaux. Il s'agit d'environ 30 à 35 petits bateaux de pêche opérant le long de la côte, utilisant principalement des filets maillants et des trémails. Les pêcheurs sont à l'origine de la création des deux réserves interdites (Carry 85 ha depuis 1983 et Couronne 210 ha depuis 1996). La reconduction des 2 réserves protégées en 2014, obtenues pour une durée illimitée, a été un véritable succès. Ces zones interdites à la pêche ont un statut légal de réserves de pêche et le renouvellement a été demandé par les pêcheurs eux-mêmes. Le parc marin a des contacts quotidiens avec les pêcheurs individuels dans les 5 petits ports du littoral de la Côte Bleue, par le biais de patrouilles en mer, d'entretiens et de suivi des débarquements, de l'effort de pêche, des captures. Nous avons également des réunions formelles mais irrégulières, en fonction des programmes (processus Natura2000, étude de doctorat sur la pêche, programmes scientifiques de l'UE).

Facteurs favorables

Le principal facteur est la volonté des acteurs locaux, en particulier des pêcheurs artisanaux. Depuis le début, ils collaborent étroitement avec le personnel du parc sur plusieurs activités, comme le suivi des débarquements, des captures et de l'effort de pêche, la participation à des études scientifiques, des réunions, des échanges, le travail avec les écoles de mer locales. Ils donnent également des informations sur le braconnage dans les réserves, les phénomènes anormaux ou exceptionnels (espèces invasives comme le poisson-lapin), la prise en compte des espèces sensibles et protégées comme la remise à l'eau des mérous, la signalisation des filets perdus, etc.

Leçon apprise

L'acceptation sociale du parc marin est un facteur crucial qui a conditionné son succès. Les pêcheurs professionnels se sentent intégrés dans le mécanisme de décision et la relation est basée sur la confiance et l'échange mutuel. Les enquêtes sur l'acceptation sociale ont montré qu'il n'y a pas de perception négative du PMCB. La majorité des pêcheurs locaux (88%) se sentent impliqués dans les processus décisionnels du parc. 69% des pêcheurs perçoivent un effet positif sur l'environnement marin et 88% des pêcheurs perçoivent un effet positif sur la pêche artisanale locale. L'acceptabilité est la clé du succès. Notre expérience a prouvé la nécessité de travailler en amont et de prendre en compte tous les acteurs concernés (pêcheurs artisanaux, représentants des villes, des administrations locales, régionales et de l'Etat, habitants) pour les mesures de gestion du milieu marin.

Une meilleure connaissance pour une meilleure gestion

La protection et la surveillance au sein des deux réserves interdites à la pêche - où tous les types de pêche, d'amarrage et de plongée sous-marine sont interdits - sont efficaces, avec plus de 2 400 heures d'application par an, principalement en mer. Il y a une forte augmentation de la biomasse de poissons avec une augmentation de l'abondance, plus de gros poissons, et le retour d'espèces rares/sensibles comme les mérous, les maigres bruns, les bars, etc : Des opérations de pêche expérimentale contrôlée sont menées tous les 3 ans dans la réserve et ont montré qu'en 24 ans, le poids moyen d'un poisson a été multiplié par 2,6 (287 g en 2019 contre 111 g en 1995). Durant cette période, les captures de pêche ont été multipliées par 7, avec un taux de capture par unité d'effort CPUE passant de 1,1 kg / 100 m de filet en 1995 à un maximum de 7,1 kg / 100 m en 2019 (Figure 2).

Ces résultats spectaculaires et un effet réserve évident ne concernent pas seulement les poissons, mais aussi les invertébrés comme les langoustes : les captures ont été multipliées par 8 depuis la création de la réserve. Ces résultats sont importants pour les pêcheurs artisanaux qui bénéficient des processus d'exportation de la biomasse : en bordure des réserves marines, les rendements de pêche peuvent atteindre 2,5 kg/100 m de filet ; alors que dans le reste de l'AMP, la CPUE moyenne est de 1kg/100 m.

Facteurs favorables

Volonté et implication des pêcheurs artisanaux locaux qui ont décidé eux-mêmes de créer une deuxième réserve intégrale dans le PMCB en 1996 (Couronne, 210 ha), après la précédente à Carry (1983, 85 ha). Le même bateau de pêche ("Mamyblue") participe depuis le début à des pêches expérimentales menées tous les 3 ans et les pêcheurs peuvent voir directement dans la boîte à poisson l'effet de la réserve lorsqu'ils ramènent leurs filets, avec une multiplication par 7 des captures (141 kg en 2019 vs 21 kg en 1995).

Leçon apprise

Le suivi à long terme a montré un effet clair de la réserve avec une plus grande abondance de poissons, une plus grande taille et le retour d'espèces rares. La surveillance et l'application de la loi sont la clé de voûte d'une bonne gestion des réserves naturelles. La nature peut recréer la biodiversité et la restaurer d'elle-même, nous devons l'aider et prendre soin d'elle, c'est notre responsabilité Même si 6 % de la mer Méditerranée sont couverts par des aires marines protégées, seuls 0,23 % sont entièrement ou hautement protégés. Moins d'un quart de 1%, c'est vraiment insuffisant ! Les aires marines protégées ne sont pas seulement des solutions techniques, ce sont aussi des relations humaines qui prennent en compte l'histoire et la culture d'un territoire, avec une vision commune.

Les réserves intégrales ont bien fonctionné, même de petites superficies sous protection totale peuvent restaurer la biodiversité et les ressources. Nécessité de réaliser un suivi scientifique sur une longue période, pour une meilleure connaissance de l'effet des réserves, avec un protocole BACI (avant/après/contrôle/impact).

Retour à une gestion réussie

Outre la création de deux réserves interdites à la pêche, l'originalité du PMCB réside dans l'utilisation de récifs artificiels, avec le déploiement de 4 884 m3, à la fois pour la production et la protection contre le chalutage illégal. Le succès des récifs de protection est illustré à la figure 3, avec la route du chalutage illégal tracée avant (1995) et après le déploiement des récifs et la création de la réserve d'interdiction de pêche à Couronne (1997). Les résultats sont la diminution de la pression de pêche sur la bande côtière, par l'élimination des activités de chalutage illégal, qui ne sont pas sélectives (beaucoup de juvéniles sont capturés) et la mortalité par pêche des juvéniles est le principal facteur de la baisse des captures. L'efficacité des récifs anti-trawling a permis un meilleur partage de l'espace et des ressources entre les pêcheurs locaux. L'autre effet essentiel des récifs de protection est de préserver les habitats naturels les plus productifs et les plus fragiles( herbiers deposidonies et récifs coralligènes) de la destruction mécanique par les chalutiers. Ces dommages ont des répercussions écologiques et économiques importantes, car ces habitats servent de frayères, de nurseries, de zones de recrutement et d'alimentation pour la plupart des ressources exploitées.

Facteurs favorables

La volonté des petits pêcheurs artisanaux locaux d'éviter le chalutage illégal dans les 3 NM, en particulier dans les habitats sensibles. Les pêcheurs ont décidé eux-mêmes de créer une deuxième réserve d'interdiction de pêche dans le PMCB en 1996 : Couronne (210 ha), qui se trouve à proximité d'un cap, avec une grande biodiversité et de riches ressources exploitées, en particulier une célèbre zone de frai pour le bar pendant l'hiver. Les pêcheurs souhaitaient protéger la réserve interdite par un déploiement complémentaire de récifs anti-trawling autour et à l'intérieur de la réserve.

Leçon apprise

Une gestion adaptative est nécessaire et le PMCB s'est construit sur les forces et faiblesses du contexte local : les récifs artificiels ont joué un rôle dans la résolution des antagonismes et des conflits entre la pêche artisanale et la pêche illégale au chalut.

Dans le Parc Marin de la Côte Bleue, les deux catégories de récifs artificiels (récifs de production et récifs de protection) sont indissociables des deux réserves interdites. Ces outils de gestion ont fonctionné de manière complémentaire et ont contribué à la préservation de la pêche artisanale traditionnelle sur le territoire de la Côte Bleue, alors que ces activités de pêche diminuent dans les zones voisines.

Les récifs artificiels ont bien fonctionné et les récifs de protection ont joué un rôle de police 24h/24. Le déploiement de 326 modules lourds créant 17,5 km de barrières permet de réduire la pêche illégale, de protéger les habitats naturels sensibles et de permettre un meilleur partage de l'espace et des ressources entre les pêcheries.

Impacts

Les expériences de gestion menées par le Parc Marin de la Côte Bleue depuis 38 ans ont conduit à des impacts positifs : (i) impact environnemental avec un net effet réserve observé avec plus de poissons, plus gros et le retour d'espèces rares et protégées. En 24 ans, les captures de pêche ont été multipliées par 7 et le poids moyen d'un poisson a été multiplié par 2.6 ; (ii) un impact social avec une acceptation du Parc et des réserves marines par les pêcheurs artisanaux locaux (88% se sentent impliqués dans le processus de décision du Parc) qui sont à l'origine de la création des réserves interdites et des récifs artificiels, et qui bénéficient directement ou indirectement de ces outils de protection ; (iii) et un impact économique, les pêcheries locales devenant plus durables, avec des CPUE de captures élevées aux abords des réserves interdites (2,5 kg/100 m de filet contre 1 kg/100 m dans le reste du PMCB).

Bénéficiaires

Les principaux bénéficiaires sont à la fois les poissons et les pêcheurs, ainsi que tous les habitants de la Côte Bleue, étant donné que le parc marin est un outil qui permet une préservation globale (environnementale, économique et patrimoniale).

Objectifs de développement durable
ODD 14 - Vie aquatique
Histoire
J.G. Harmelin/PMCB
Prairies de Posidonia oceanica
J.G. Harmelin/PMCB

Le Parc Marin de la Côte Bleue (PMCB, France) a été créé en 1983. Il est basé sur une coopération expérimentale entre les autorités publiques locales et la pêche professionnelle à petite échelle afin de mettre en œuvre un programme de développement durable de l'activité de pêche, de protection de l'environnement marin, de recherche expérimentale et de sensibilisation du public. Le territoire représente 9 873 ha sur 42 km de côtes rocheuses dont 2 réserves intégrales de 295 ha, où toute forme de pêche, de mouillage et de plongée sous-marine est interdite. L'originalité est l'utilisation de réserves intégrales et de récifs artificiels comme outils complémentaires pour la conservation des ressources et des habitats. Il y a environ 4 884 m3 de récifs artificiels, à la fois pour la production et la protection contre le chalutage illégal à l'intérieur des 3NM, environ 17,5 km de barrières de récifs de protection. Le parc est une initiative locale et a été créé selon une approche "bottom-up". Cette co-construction est basée sur un processus de dialogue fort avec les organisations locales de pêcheurs professionnels. C'est l'un des principaux avantages qu'offre le PMCB. L'association des pêcheurs locaux au sein de l'organe décisionnel du PMCB est réellement efficace, et le Parc Marin est composé d'élus locaux (maires des 5 villages), régionaux et départementaux. Le PMCB est un "laboratoire grandeur nature" et mène plusieurs programmes de recherche appliquée et d'études scientifiques. Il permet d'avoir de solides références dans la littérature scientifique, notamment sur "l'effet réserve", avec près de quarante cinq suivis scientifiques, comme le recensement visuel des poissons, les oursins, le corail rouge, l'herbier de posidonies, la fréquentation, etc. Depuis son origine, le Parc a également mis en place des programmes de sensibilisation et d'éducation pour les scolaires, avec la mise en place d'une semaine de stage sur le terrain. Plus de 28 000 enfants ont été sensibilisés à l'environnement marin. Un sentier sous-marin a été aménagé dans la réserve intégrale de Carry pour le public et les touristes. Depuis 1994, le PMCB organise des visites gratuites en plongée libre 3 jours par semaine pendant l'été. Les visiteurs peuvent voir l'effet de la réserve avec des poissons beaucoup plus gros. Enfin, le Parc Marin de la Côte Bleue a reçu une reconnaissance internationale pour l'efficacité de sa gestion des AMP avec le label "Liste Verte" des Aires Protégées délivré par l'UICN, le label ASPIM (Aire Spécialement Protégée d'Importance Méditerranéenne) en 2012 et l'inclusion dans le réseau européen Natura 2000 depuis 2009 (site "Côte Bleue Marine" de 18 928 ha). Une vraie réussite pour cette petite équipe (8 salariés) et cette initiative locale.

Ressources
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Autres contributeurs
Alizée ANGELINI
Directeur du parc marin de la Côte Bleue