
Impact collectif : Pêche et collaboration intersectorielle

Quintana Roo (Mexique) a une productivité marine élevée, mais la surpêche et le développement côtier entraînent un déclin des écosystèmes clés en raison de la pollution et de la perte d'habitat. Le changement climatique est un facteur de stress supplémentaire pour cet environnement déjà touché. Le manque de participation des pêcheurs artisanaux à la gestion de la pêche a entraîné une extraction non durable des espèces. Pour favoriser le changement et faciliter la collaboration en matière de conservation, l'Alliance Kanan Kay a été fondée en tant que coalition intersectorielle promouvant le partage des responsabilités par le biais d'une action collective. Son objectif est de protéger 20 % de la mer territoriale grâce à un réseau de refuges pour les poissons, en encourageant la participation des pêcheurs à la gestion de la pêche.
Contexte
Défis à relever
Environnement :
- Surexploitation des stocks pêchés.
- Manque d'outils de gestion adaptative efficaces, en particulier face au changement climatique.
- La couverture des zones de pêche interdites est encore faible.
- Nécessité d'une protection durable dans le temps et de plus grandes surfaces afin de comprendre et d'évaluer tous les impacts écologiques.
- Absence de connectivité efficace entre les zones d'interdiction de pêche.
Social :
- Le manque d'application constitue la principale menace, non seulement pour la reconstitution de la biodiversité, mais aussi pour l'acceptation sociale et le soutien de cet outil de gestion de la pêche.
- Les refuges pour poissons sont une stratégie relativement nouvelle au Mexique, étant donné que les premières zones d'interdiction de pêche viennent d'être renouvelées pour la première fois au niveau national et qu'elles n'ont pas plus de cinq ans. Cela génère des incertitudes quant aux mécanismes de participation du secteur de la pêche à la définition des politiques publiques.
L'économie :
- Nécessité d'évaluer les services écosystémiques et la valeur environnementale.
- Nécessité d'améliorer les outils permettant de comprendre et de mettre en œuvre les solutions de l'économie bleue.
Emplacement
Traiter
Résumé du processus
Théorie du changement basée sur les étapes nécessaires pour favoriser l'impact collectif :
- Autonomisation des pêcheurs. Un diagnostic complet de la situation socio-économique des organisations de pêche doit être réalisé avant de commencer à travailler avec les communautés côtières. Ce diagnostic comprend une analyse des lacunes et, enfin, un renforcement des capacités.
- Une fois l'univers socio-économique compris, la collaboration intersectorielle est encouragée par l'organisation de base (Kanan Kay Alliance) et un suivi est effectué.
- Il est temps de travailler sur le terrain. Il est essentiel d'obtenir des résultats spécifiques et tangibles dès les premières étapes afin de maintenir l'élan et la motivation pour le changement. Au sein de l'Alliance, nous avons choisi de le faire en mettant en œuvre un outil spécifique de gestion de la pêche (refuges pour poissons).
- La compensation financière doit être abordée pour prouver que les efforts de conservation ne sont pas confrontés à une croissance économique durable. Les pêcheurs participent au suivi scientifique pendant la période de fermeture de la pêche et reçoivent une compensation pour cela.
- Il est essentiel de disposer d'un cadre juridique et institutionnel solide afin que l'absence de mise en œuvre n'entrave pas les performances globales de l'initiative.
Blocs de construction
Autonomisation des pêcheurs
Afin de lancer une stratégie de renforcement des capacités, un diagnostic de l'organisation de pêche est d'abord réalisé. Les pêcheurs sont formés sur différents sujets tels que les compétences de leadership, le suivi scientifique, la surveillance de la communauté, l'administration des organisations de pêche, le développement humain. La formation est dispensée par des membres de l'Alliance, tels que des organisations de la société civile, d'autres pêcheurs, des universitaires et des agences gouvernementales.
Facteurs favorables
- Appropriation et responsabilité de l'initiative par les pêcheurs
- Participation active des pêcheurs
- Un leadership fort
- Institutions ayant les capacités et la volonté de soutenir les pêcheurs
Leçon apprise
En regroupant les thèmes sociaux, environnementaux et économiques pour les formations et en ne se concentrant pas uniquement sur les ateliers liés à la gestion des ressources, nous avons été en mesure d'accroître l'impact collectif et de le maintenir au fil du temps. Le renforcement des trois aspects clés de la durabilité a été fondamental. Nous avons appris que notre meilleure stratégie est celle qui permet d'acquérir des compétences en matière de leadership, de développement humain, d'administration personnelle et organisationnelle, de plans d'affaires pour les coopératives de pêche ou de commerce équitable. Les pêcheurs doivent être interrogés et encadrés pour découvrir leurs propres faiblesses et leurs propres forces. Il faut investir du temps et des ressources pour inclure les clients dans les projets des pêcheurs.
Conception et mise en œuvre de refuges pour les poissons
Sur la base d'un processus participatif ascendant, un réseau efficace de refuges pour poissons, légalement reconnu et respecté au niveau local, est mis en place. Seize refuges pour poissons ont été créés depuis 2012, couvrant plus de 18 000 hectares.
Facteurs favorables
- Volonté des organisations de pêche d'améliorer les pratiques durables et d'assurer la pérennité des pêcheries pour les générations futures.
- Objectif commun clair.
- Processus participatif pour la conception des refuges pour poissons.
- Combinaison de connaissances scientifiques et écologiques locales.
- La portée temporaire des refuges pour poissons renforce la confiance des pêcheurs dans le processus et permet une gestion adaptative.
- La décision finale de créer des refuges pour poissons dépend uniquement des organisations de pêche.
- Soutien d'un réseau de collaboration.
Leçon apprise
Les connaissances écologiques locales que les pêcheurs fournissent sur les ressources naturelles, les lieux de pêche et les conditions climatiques sont des éléments fondamentaux à prendre en compte dans la conception d'un refuge pour poissons. Lorsque l'on combine les connaissances écologiques locales avec les connaissances scientifiques, il est important d'entamer une négociation transparente qui permettra d'obtenir les meilleures conditions basées sur la science et l'acceptation sociale.
Ensuite, un programme de surveillance communautaire est mené par des organisations membres de l'Alliance Kanan Kay. Les pêcheurs et les femmes sont formés et participent activement à la collecte des données. Ils voient ainsi les résultats de leurs propres yeux et peuvent ensuite partager les informations avec les autres membres de la communauté. Une fois que les résultats du suivi ont été fournis, au cours du processus de renouvellement, les objectifs des refuges pour poissons sont réexaminés afin de comprendre s'ils répondent aux critères biophysiques des zones interdites à la pêche et, par conséquent, si des changements doivent être apportés.
Cette approche "ascendante" doit être complétée par des éléments "descendants" afin de garantir que la prise de décision reflète la complexité de ce processus.
Collaboration intersectorielle
L'Alliance réunit un groupe diversifié de parties prenantes, sert de forum de dialogue et facilite l'échange d'idées, de capacités et d'expériences, générant ainsi des synergies et des solutions mutuellement bénéfiques.
Facteurs favorables
- Agenda commun. Permet d'être clair et transparent sur l'objectif principal de l'initiative.
- Mesure commune. Un ensemble d'indicateurs doit être établi pour mesurer les progrès accomplis.
- Favoriser les activités qui se renforcent mutuellement. Grâce à une coordination solide.
- Des communications continues. La confiance est essentielle ; nous établissons des relations honnêtes entre les membres.
- Une organisation de base. L'Alliance Kanan Kay dispose d'un comité de coordination représenté par les membres et chargé de mettre en œuvre, de coordonner et d'assurer le suivi des activités qui s'ajoutent pour avoir un impact collectif.
Leçon apprise
Travailler ensemble en tant que plateforme d'impact collectif ne signifie pas que nous fassions tout ensemble à tout moment. Il s'agit de savoir comment stimuler le meilleur de chaque organisation, tout en respectant et en comprenant les forces et les opportunités. Les communautés doivent avoir un rôle clair dans la prise de décision, ce qui nous ramène à la première pierre de l'édifice, à savoir l'autonomisation des pêcheurs et le renforcement des capacités.
Compensation financière
Une combinaison de fonds publics et privés permet d'indemniser partiellement les pêcheurs pour leur participation, par exemple, à des activités de surveillance biologique ou à des assemblées générales.
Facteurs favorables
- Le budget couvre les dépenses essentielles pour que les pêcheurs puissent participer à différentes activités.
- Les refuges pour poissons s'apparentent à un mécanisme d'épargne bancaire qui garantit l'activité de pêche elle-même pour les générations futures.
- Les refuges pour poissons profitent également aux pêcheries à moyen terme en raison de l'effet de débordement de la biomasse.
- Volonté des pêcheurs de participer et de diriger les efforts.
- Les organisations ont la volonté et la capacité de partager des formations avec les membres de l'alliance.
- Communication : langage approprié pour créer une compréhension commune.
Leçon apprise
Le fait que les pêcheurs soient à la tête de l'Alliance et se l'approprient renforce et aide l'initiative. Les acteurs institutionnels, les universitaires et les organisations de la société civile soutiennent l'action collective basée sur l'autonomisation des communautés comme ils ne le faisaient pas auparavant, car ils respectent un principe de base : si les pêcheurs n'acceptent pas et ne soutiennent pas les actions, la mise en œuvre ne sera pas possible. Cette approche permet en outre une communication plus directe, la mise en œuvre des principes de base de la collaboration et une confiance croissante entre les participants.
Cadre juridique et institutionnel
Le cadre juridique existant pour la création de refuges pour poissons est analysé et revu. Des outils pour la gestion participative des refuges piscicoles sont identifiés, ainsi que pour les activités d'inspection et de surveillance.
Facteurs favorables
- Identification claire des outils juridiques disponibles, des exigences et des procédures de mise en œuvre.
- Persistance dans les processus administratifs et politiques.
- Socialisation du cadre juridique avec les pêcheurs (ateliers, réunions et discussions informelles).
- Les ateliers de surveillance communautaire pour les organisations de pêche sont l'occasion d'établir des relations de confiance.
- Analyse des lacunes du système juridique.
- Coordination avec les différentes institutions.
- Développement de normes complémentaires pour renforcer le cadre juridique.
- Budget pour la mise en œuvre.
Leçon apprise
L'utilisation d'outils de pêche dans les zones protégées était un défi important dans les Caraïbes mexicaines, et n'a pas toujours été bien accueillie par les autorités en charge des zones protégées. Néanmoins, grâce à des arguments techniques et juridiques, les premières zones de refuge pour les poissons ont été légalement établies dans deux réserves de biosphère en 2012. Ce résultat a été obtenu grâce à un travail intensif avec les pêcheurs, plusieurs années avant l'existence de l'Alliance. Mais lorsqu'on parle de cadre juridique et institutionnel, il ne suffit pas d'avoir une approche participative ascendante. Certains changements juridiques nécessitent un travail de haut niveau au sein de l'administration publique. Des efforts doivent être faits pour équilibrer les deux approches. L'Alliance Kanan Kay a permis de combiner l'approche ascendante et l'approche descendante des institutions publiques, en offrant un espace de discussion et en s'appuyant sur un objectif commun.
Impacts
- Un réseau de 16 refuges pour poissons protégeant plus de 18 000 hectares de récifs coralliens, de prairies marines et de zones humides côtières a été mis en place depuis 2012.
- La première génération de refuges pour poissons (zones de pêche interdites) a été renouvelée pour une période de cinq ans, à l'initiative des pêcheurs.
- Les pêcheurs effectuent un suivi scientifique, une surveillance communautaire, participent à des ateliers de renforcement des capacités et sont des acteurs clés dans la prise de décision.
- L'Alliance Kanan Kay est active depuis plus de cinq ans en tant que réseau de collaboration visant à promouvoir l'adoption d'un programme commun, à établir des mesures partagées et à encourager la collaboration croisée.
L'Alliance Kanan Kay est une initiative volontaire basée sur les membres qui vise à agir en tant qu'organisation de base pour obtenir un impact collectif. Elle compte une quarantaine de membres issus du gouvernement, de coopératives de pêche, d'organisations de la société civile, de chercheurs universitaires et de donateurs privés. Des travaux sont en cours pour améliorer la gouvernance tout en renforçant le rôle des organisations de pêche au sein de ce réseau.
Bénéficiaires
- Organisations de pêche
- Organisations de la société civile
- Gouvernements locaux, régionaux et nationaux
- Milieu universitaire (chercheurs)
- Initiative privée : Secteur du tourisme (plongée, pêche de loisir) et entreprises locales (magasins de poissons et de fruits de mer)
Objectifs de développement durable
Histoire

Lors d'une assemblée générale, les membres de l'Alliance Kanan Kay ont discuté de la terminologie à utiliser pour désigner les "refuges pour poissons" par opposition aux "zones de non-prélèvement". Pour certains représentants gouvernementaux, il était tout à fait logique d'opter pour un terme différent, à la fois techniquement correct et facile à comprendre. Pour les pêcheurs, en revanche, changer de terme aurait été synonyme de trahison de l'objectif global de l'Alliance. La discussion a atteint un point tel que les pêcheurs étaient prêts à exercer leur droit de veto et à quitter l'assemblée si le terme était modifié. Finalement, l'Alliance a décidé de conserver le terme, qui revêtait une grande importance pour les pêcheurs. Cet incident a contribué à renforcer la confiance des pêcheurs dans une approche de gestion conjointe et dans sa mise en œuvre réussie. Les pêcheurs ont réalisé que les membres étaient des partenaires égaux, tous engagés dans la même mission de développement d'une pêche responsable.